Les îlots sensoriels : une expérimentation au sein de l’IME Le Hameau

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Il y a un peu plus d’un an maintenant, un film retraçant une expérimentation menée depuis 2022 au sein de l’institut médico-éducatif (IME) le Hameau, était projeté aux familles ainsi qu’aux professionnels de l’établissement. Les jeunes de l’unité de jour Hélios disposent d’îlots sensoriels, des espaces individuels dans lesquels ils peuvent manger, travailler, jouer mais aussi laisser libre cours à leur recherche – ou, à l’inverse, leur tentative d’évitement – de sensations, sans crainte d’adopter des comportements parfois inadaptés.

 

L'institut médico-éducatif Le Hameau accueille des enfants et adolescents qui présentent un trouble du spectre autistique (TSA) et sont atteints d’une déficience intellectuelle moyenne à sévère. Une vingtaine de jeunes le fréquente en journée et en internat de semaine, neuf autres en accueil de jour au sein de l’unité Hélios.

En 2022, les locaux de l’unité Hélios sont réaménagés en îlots sensoriels, des espaces individuels pour chacun des jeunes. Pour retracer cette expérimentation, et plus largement, le travail réalisé avec les jeunes, un film réalisé par Impact met en image le quotidien de l’unité Hélios et de ces jeunes, et donne la parole à Anne-Claude Oberlé, éducatrice spécialisée, et Murièle Savigny, ancienne psychiatre du Hameau. 

 

 

Le profil sensoriel comme boussole de l’accompagnement

 

Le Hameau a été parmi les premiers IME de l’Isère à utiliser le profil sensoriel dans l’accompagnement des jeunes avec un trouble du spectre autistique. Afin de définir ce profil, un questionnaire complet est rempli par les professionnelles et la famille, afin de mettre en évidence les particularités auditives, olfactives, visuelles, proprioceptives1 et vestibulairespropres à chaque enfant.

« On élabore ainsi un profil singulier avec des hyper ou des hypo réactivités qui mène à différentes préconisations : aménagement de l’espace, galettes à picots pour s'asseoir, casques, séances Snoezelen3… En répondant à ces besoins sensoriels, les jeunes peuvent alors accéder à d’autres sollicitations, et notamment aux sollicitations cognitives », détaille Murielle Savigny. 

Pour répondre à ces besoins spécifiques, chaque unité du Hameau possède une salle sensorielle. Au sein de l’unité Hélios, cet endroit est équipé d’un matelas à eau, d’un projecteur, de couvertures lestées, de caisses à objets (balles, outils de massage…). Les jeunes peuvent y trouver refuge dans des lumières faibles et colorées, se couper des stimulations extérieures ou, au contraire, venir chercher des sensations qu’ils ne trouvent pas ailleurs. Cette pièce permet ainsi d’éviter les comportements, parfois inadaptés, de recherche ou d’évitement de sensations au quotidien. 

 

 

Retour sur l’arrivée des îlots sensoriels 

 

En 2022, les îlots sensoriels font leur apparition dans les locaux de l’unité Hélios. D’environ 3m², ils seront rapidement rebaptisés “cabanes” par les jeunes. Délimités par trois panneaux de bois, ils s’articulent autour d’un espace qui comprend un bureau et une chaise, mais également un coin jeu et repos. 

L’idée des cabanes émerge après 2020 lorsque la direction de l’établissement demande à l’équipe éducative d’Hélios de réfléchir à un projet permettant d’accueillir neuf personnes, soit trois personnes supplémentaires à temps plein dans les mêmes locaux. L’expérience du Covid a nourri la réflexion des éducatrices : il avait fallu à l’époque trouver des solutions pour maintenir les distances sanitaires, en l’occurrence, tracer des carrés de 4m2 au sol avec de l’adhésif afin de créer des zones pour chaque jeune.

« Les jeunes savaient que dans ce carré ils pouvaient travailler, se reposer, manger. On a aussi pu repérer qu’ils arrivaient davantage à avancer sur certains axes de leur projet, notamment celui de l’indépendance. Ils commençaient à se déplacer pour interpeller les accompagnatrices et faire leurs demandes. Ils organisaient aussi leurs espaces avec ce dont ils avaient besoin. Ce qui était compliqué, c’était surtout que les contours de leurs carrés n’étaient pas physiques, ça impliquait d’autres difficultés de passage et certains ne supportaient tout simplement pas le scotch et voulaient le retirer », raconte Anne-Claude Oberlé. 

Forte de ces observations et pour accueillir trois jeunes supplémentaires, l’équipe s’est attelée à imaginer un aménagement de l’espace inédit : c’est ainsi qu’est né le projet des îlots sensoriels. 

 

 

Expérimenter une nouvelle façon d’accompagner 

 

Dès leur installation, les îlots ont permis une approche différente des quatre axes d’accompagnement définis par l’équipe éducative : apaisement, communication, indépendance et vivre ensemble. « La question de l'apaisement et de la satisfaction des besoins sensoriels est essentielle dans un objectif extrêmement précis : permettre à la personne d’être disponible pour les apprentissages » rappelle Murielle Savigny. 

Dans ce sens, les cabanes offrent une large palette de solutions : parois isolées phoniquement pour limiter les nuisances sonores et les problèmes de saturation sensorielle, lumière modulable, aménagement personnalisé de l'îlot (fauteuil ballon, casques anti-bruit…). La mise en place d’outils comme les « timers »4 et les « schémas », qui représentent des actions de la vie quotidienne sont des appuis pour séquencer les journées de manière claire. Cette prévisibilité du quotidien et le fait d’avoir un espace propre à chacun participent à la création d’une sensation de sécurité pour les jeunes.

Les îlots favorisent également la communication et l’indépendance : désormais, les jeunes se déplacent d’eux-mêmes pour demander de l’aide ou interpeller les éducatrices qui n’apparaissent plus forcément à chaque instant dans leur champ de vision. On note davantage de prises d’initiatives, du fait de consignes davantage individualisées et d’une progression significative dans la connaissance des prénoms, par exemple.

Par ailleurs, les temps collectifs - salle de motricité, balade, jeux de société… -, et plus généralement le vivre-ensemble, ont été facilités car, comme le souligne Murielle Savigny : « On est passé d’un collectif subi à un collectif un peu plus agréable parce qu’il y a cet espace-là : mon chez-moi qui me permet, quand je ne peux plus supporter le collectif, de revenir dans cet espace qui m’est propre et dont je sais qu’il est protégé ».

1. Aussi appelée « sensibilité profonde », la proprioception est la perception, consciente ou non, de la position des diverses parties du corps. Elle fait partie des mécanismes qui permettent de contrôler ses mouvements ou encore de réguler l’équilibre du corps et sa localisation dans l’espace.

2. Le système vestibulaire est situé dans l’oreille interne ; cet organe sensoriel contribue au mouvement et à l’équilibre du corps humain.

3. Cette pratique de stimulation multisensorielle prend place dans un espace spécialement aménagé, avec une lumière tamisée, de la musique douce… pour éveiller ou canaliser les cinq sens de la personne stimulée (l’ouïe, la vue, l’odorat, le toucher et le goût).

4. Des appareils à mi-chemin entre un gros chronomètre et un réveil qui donnent aux jeunes des repères temporels lors de l’accomplissement de certaines tâches (ranger son îlot sensoriel, mettre ses chaussures…).